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Lobatt Mamadou Fall

Son patronyme constituait, à lui seul, toute une légende. Un quartier de Pikine (Dakar) porte son nom. Lobatt Fall, de son nom complet, Lobatt Mamadou Fall, est né le 10 octobre 1930 à Thioubalel, un village de l’arrondissement de Cas-Cas, dans le département de Podor. Lobatt, comme il était simplement appelé dans son patelin niché dans l’Ile à morphil, fut l’un des plus anciens transporteurs de la gare routière dite «Pompiers». Issu d’une famille de pêcheurs haal pulaar, il a toujours eu foi en ses racines et croyances. Tout jeune, le natif de Thioubalel faisait du petit commerce avec le soutien de ses deux grands frères qui détenait de grandes boutiques au Fouta et en Mauritanie. Un métier auquel il est resté fidèle. En effet, malgré un âge avancé, le nonagénaire s’est adonné, jusqu’à son dernier souffle, à nombre d’activités aux alentours de ce qui reste de l’ancienne gare routière de «Pompiers». Entre autres, Lobatt Fall était chargé de la réquisition du transport à Dakar. En d’autres termes, il se charge de faire voyager certains fonctionnaires, notamment les enseignants, moyennant paiement par l’Etat. Comme il en fit de même pour les élèves, dans les années 70.

«Le nom de Lobatt Fall me renvoie toujours aux belles années où, alors lycéens, allant en grandes vacances, nous étions transportés, sur présentation des fameuses réquisitions de l’Etat sénégalais, transporté par les cars « Ndiaga Ndiaye » de Lobatt Fall», témoigne, sur sa page facebook, le journaliste et formateur au Cesti, Jean Meïssa Diop. Des cars sur lesquels était estampillé le logo du célèbre transporteur : un pêcheur muni de sa sagaie, prêt à abattre un crocodile. Un logo qui ne trompe pas sur les origines de Lobatt Fall. «Il fut un temps où je détenais par devers moi 301 cartes grises dont les autocars Mercedes, des Peugeot 504, des Renault, des 7 ­places, des remorques… Mes cinq premières voitures, je les ai ache­tées d’un seul coup. C’étaient des D 46. Mes voitures circulaient dans toutes les régions du Sénégal», disait-il, sans fausse modestie, dans un entretien accordé à Walf Grand’Place.

Riche à milliards quand cette unité de mesure était inconnue du grand public, Lobatt a taquiné la politique jusqu’à être élu à l’Assemblée nationale. En tant que parlementaire, il a siégé durant dix années à la Place Soweto. Fier de ses faits d’armes à l’hémicycle, Lobatt Fall déclarait, lui-même, avoir toujours plaidé pour la bonne cause de son terroir. Il aura appris à son monde qu’il ne suffit pas d’être bardé de diplômes pour être un bon représentant du peuple à l’Assemblée nationale. Ses mandants du département de Podor se souviennent, avec nostalgie, de son passage à l’hémicycle où il attendait souvent les ministres au tournant. «Monsieur le ministre, je vous l’avais dit l’année dernière. J’ai constaté que rien n’a été fait. Je me permets de vous le rappeler encore». Cette phrase, il l’a répétée maintes et maintes fois, dans sa langue maternelle s’il vous plaît – il a été le premier député à parler le Pulaar à l’Assemblée – à des membres du gouvernement qui étaient plus habitués à se voir tresser des lauriers qu’à se faire rappeler des promesses non tenues. «Je défendais les causes du peu­ple. Je fus certes socialiste, mais je ne mettais pas de gants pour dire ce que je pensais. Lorsque je prenais la parole, tous les ministres socialistes tremblaient devant moi. Je me souviens, je m’en suis une fois pris avec un chef de cabinet de Diouf qui me demandait de m’exprimer en français. Je lui ai dit niet, je vais parler dans ma langue maternelle qu’est le Pulaar», avait-il déclaré dans l’entretien cité supra.

Il a bouclé un demi-siècle de règne à la tête de la gare de Dakar en tant que président national du Groupement national des transporteurs du Sénégal. Ceux qui l’ont côtoyé le décrivent comme généreux, pas gagné par l’avarice. Une générosité qui l’a, certainement, amené à mettre tous ses biens au service du Parti socialiste. Un engagement militant et financier qui lui valut un revers de fortune. De sa collaboration avec tous les régimes qui se sont succédé à la tête du pays, Fall aimait à justifier : «Un opérateur économique n’a pas vocation à s’opposer au pouvoir en place.» Tel était l’homme Lobatt Fall : généreux avec ses contemporains, si l’on en croit les nombreux témoignages fait sur sa personne, strict dans l’engagement et sincère dans le propos. Que la terre de Thioubalel où il va désormais reposer lui soit légère.

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